« Les piles à combustible hydrogène seront bientôt très compétitives »
28/11/2022
Stephan Herbst, Toyota Motor Europe
Toyota, l’un des plus importants constructeurs automobiles au monde, emploie actuellement plus de 27 000 personnes en Europe, où plus de 16,5 millions de véhicules Toyota et Lexus y sont en circulation. Dans le cadre de leur ambition de neutralité carbone pour tous leurs nouveaux véhicules en Europe occidentale d’ici à 2035, Toyota propose une large gamme de groupes motopropulseurs électrifiés, incluant des véhicules à pile à combustible hydrogène, des véhicules hybrides et à batterie. Anticipant l’adoption massive de l’hydrogène dans le secteur des transports, Toyota continue à intensifier ses efforts en matière de mise à échelle de ce vecteur énergétique.
Stephan Herbst occupe la fonction de Technical Head of Hydrogen and Fuel Cell Business chez Toyota. Il est également membre du conseil d’administration du Conseil de l’Hydrogène.
Stephan dévoile les raisons pour lesquelles Toyota souhaite offrir plusieurs alternatives bas carbone à ses clients, en particulier via les opportunités générées par la technologie de la pile à combustible hydrogène : « Nous sommes convaincus que nous devons proposer plusieurs options à nos clients. C’est un fait que nous devons décarboner rapidement le secteur du transport, cependant, nous devons garder à l’esprit que les clients ont des habitudes d’utilisation différentes, et qu’ils recherchent donc des solutions et technologies différentes. Pensez à l’opposition entre courtes et longues distances, aux contraintes budgétaires, au transport de marchandises ou de personnes, etc. L’idée est que, plus nous offrons de solutions technologiques, plus rapidement nous serons en mesure de décarboner l’ensemble des usages de nos clients. C’est la raison pour laquelle nous proposons des véhicules hybrides, hybrides plug-in, sur batterie et à pile à combustible hydrogène. »
« Aujourd’hui, nous sommes en tête du segment hybride en Europe et nous voulons atteindre la même position avec nos applications de piles à combustible hydrogène. Nous déployons beaucoup d'efforts pour étendre notre offre, non seulement pour les voitures, mais aussi dans le domaine de la mobilité lourde. »
Applications de transport pour lesquelles l’hydrogène est privilégié
« Nous pensons qu'il existe trois applications importantes pour lesquelles les véhicules à pile à combustible hydrogène constituent la meilleure solution bas carbone. La première concerne les véhicules qui ont une forte demande en termes de puissance, comme les camions et les bus. Ces véhicules transportent un poids important et doivent souvent parcourir de longues distances. Les piles à combustible hydrogène présentent un avantage considérable dans ce cas, en raison de leur densité énergétique élevée. La pile à hydrogène du CaetanoBus par exemple (fabricant de bus et de châssis et entreprise partenaire de Toyota, ndlr), permet de rouler jusqu'à 500 km. »
« La deuxième application où les véhicules à pile à hydrogène se distinguent est dans les situations de forte utilisation, par exemple les flottes de taxis », poursuit Stephan. « Les taxis sont utilisés de manière intensive et doivent pouvoir être rechargés rapidement. Donc, dans ce cas aussi, l'hydrogène est très avantageux. »
« Enfin, les piles à hydrogène sont la meilleure solution bas carbone dans les zones ayant un accès limité aux énergies renouvelables. Par exemple dans les régions où la plupart de l'énergie est produite par le charbon. Ou dans les pays qui sont confrontés à des problèmes de stabilité du réseau en raison de la croissance continue de la consommation d'électricité. Ces situations peuvent conduire à un phénomène de congestion dans lequel les limites de capacité du réseau sont atteintes, comme aux Pays-Bas. Ce problème peut être résolu en utilisant l'hydrogène, car il peut être transporté et stocké en grande quantité. »
Créer des écosystèmes de l'hydrogène pour en finir avec le paradoxe de la poule et l’oeuf
Lorsqu'il s'agit du déploiement à grande échelle des véhicules à hydrogène, une critique récurrente est qu'il n'y a pas assez de stations de ravitaillement disponibles. D'autre part, les entreprises qui construisent ces stations sont parfois confrontées à une demande trop faible pour justifier de tels investissements. Toyota souhaite s'attaquer à cet obstacle d'une façon différente.
« Nous voulons créer des écosystèmes de l'hydrogène. Simplement dit, cela signifie que nous approchons le marché en alignant l'approvisionnement, les stations de ravitaillement et les véhicules, car l'un ne fonctionne pas sans les deux autres. Hysetco est un bon exemple de cette approche. Il s'agit d'un écosystème de l'hydrogène, situé à Paris et construit conjointement avec Air Liquide, Toyota et TotalEnergies. Le projet est une réussite, intégrant 200 véhicules à hydrogène et trois stations de distribution. Nous développons de nombreux autres écosystèmes de ce type, accompagnés de partenaires stratégiques comme Air Liquide. »
« De cette façon, nous rendons l'hydrogène attractif et pratique pour les propriétaires de véhicules, tout en créant un solide argument commercial pour les opérateurs des stations de ravitaillement. D'un point de vue géographique, ces écosystèmes ressemblent à des spots, principalement dans ou autour des grandes villes. Notre stratégie est d'ensuite créer des couloirs entre ces points d’ancrage, pour les relier entre eux. Évidemment, la réglementation de l'UE sur les infrastructures de carburants alternatifs (voir ci-dessous, ndlr), qui est actuellement en cours de préparation, pourrait contribuer à accélérer considérablement cette évolution. »
Véhicules différents, mêmes muscles
« De notre point de vue, l’hydrogène est une question de piles à combustible », révèle Stephan. « Nous en construisons actuellement quatre types différents – un modèle plat et un modèle en caisson, tous deux en 60 et 80 kW – et nous concentrons beaucoup de ressources pour développer notre offre. »
« Nous produisions auparavant 3 000 systèmes de piles à combustible par an pour la première génération de voitures Mirai. Nous avons depuis multiplié cette capacité de production par 10. Cela ne semble pas énorme pour un grand constructeur comme Toyota, mais si l'on prend en compte que chaque pile à combustible utilise 330 piles, cela revient donc, pour 30.000 unités chaque année, à environ 10 millions de piles fabriquées. Aucune autre entreprise ne présente de telles performances. »
Trains et bateaux
« Nous utilisons le même système de pile à combustible que sur le modèle Mirai, conditionné dans un module compact (TFCM2-F-60, éd.) pour les bus et les trains. 50 véhicules CaetanoBus, équipés de ces modules, ont déjà été vendus et nous livrons aussi les mêmes modules à Mercedes-Benz pour leur bus eCitaro. En outre, cette technologie est également utilisée pour le projet FCH2Rail. Ce projet concerne les trains bi-mode – des trains qui peuvent être alimentés à la fois par des lignes électriques aériennes traditionnelles et par une pile à combustible hydrogène – fabriqués par le constructeur ferroviaire espagnol CAF ».
« Nous livrerons en outre des modules de piles à combustible à Hynova, la première marque de bateaux à propulsion électro-hydrogène au monde, par l’intermédiaire de notre partenaire EODev ; ainsi que pour Corvus Energy. Il s’agit d’une société norvégienne qui construit des systèmes de groupes motopropulseurs zéro émission pour les ferries, les bateaux de croisière, les navires marchands, etc. »
Système de piles à combustible de troisième génération
« Nous investissons depuis plus de 30 ans dans la recherche et le développement d’empilements de piles à combustible pour les voitures individuelles et autres applications. Nous continuons dans cette voie, notamment via la troisième génération de systèmes de piles à combustible, en cours d’élaboration. »
« Nous cherchons en permanence à améliorer notre technologie et à en réduire le coût. Par exemple, celui de la deuxième génération de Mirai, par rapport à la première, a été diminué de 75 %. Cela s'explique par plusieurs facteurs, notamment un système plus compact et la réduction de la quantité de platine utilisée dans la fabrication. Le reste de la réduction des coûts est dû à des effets d'échelle positifs. Nous sommes convaincus que la technologie des piles à hydrogène deviendra bientôt extrêmement compétitive. »
« Nous coopérons également avec BMW afin de développer conjointement l’empilement de piles à combustible pour leur SUV à hydrogène iX5, qui est actuellement en phase de test. »
Deux catalyseurs majeurs à l’horizon
« L'UE travaille sur le règlement relatif aux infrastructures de carburants alternatifs, qui rendra les stations d'hydrogène obligatoires sur le territoire européen. Le règlement propose que, d'ici 2030, il y ait une station de ravitaillement en hydrogène (HRS) de 700 bars tous les 150 km sur les routes transeuropéennes (TEN-T), ainsi qu'au moins une HRS dans chaque grand centre urbain. Cela contribuera significativement à la diffusion massive et à grande échelle de l'hydrogène comme vecteur de mobilité propre. »
« L'arrivée prochaine d'un grand nombre de nouveaux camions à hydrogène constitue un deuxième facteur déterminant. La plupart des grands constructeurs du secteur - tels que Hyundai, Iveco, Scania, Volvo et Daimler - équipent leurs flottes de camions long-courriers équipés de piles à combustible hydrogène. Il ne faudra pas attendre longtemps avant de commencer à les voir sur nos routes. »
Toyota et Air Liquide
Toyota et Air Liquide coopèrent depuis de nombreuses années dans un grand nombre de projets liés au déploiement massif de l’hydrogène. « Il y a quelques mois (en mai 2022, éd.), un protocole d'accord a été signé entre Toyota Motor Europe, Air Liquide et CaetanoBus. Cet accord porte sur une coopération plus étroite pour développer des opportunités – principalement sur la création de nouveaux écosystèmes, comme nous l'avons fait pour Hysetco – pour la mobilité hydrogène en Europe. Air Liquide et Toyota sont également les membres fondateurs du Conseil de l’Hydrogène. Air Liquide est un partenaire expérimenté dans plusieurs aspects clés de la chaîne de valeur de l'hydrogène. »
Développements futurs
« L'Europe est définitivement à l'avant-garde lorsqu'il s'agit de la planification de projets liés à l'hydrogène, ce qui est bien sûr très positif. Toutefois, c'est au niveau de la réalisation que les choses sont plus délicates. Nous devons poursuivre nos discussions avec les décideurs politiques pour faciliter la phase de déploiement. »
« Il est urgent de prendre des décisions importantes concernant l’évolution de nos systèmes énergétiques. Nous devons coordonner de nombreux aspects pour y parvenir, non seulement sur le plan financier, mais aussi d’un point de vue environnemental, du confort du consommateur, etc. Il y a également aujourd’hui trop d'obstacles administratifs. Par exemple, il faut souvent plus d'un an pour obtenir un permis pour construire une station de ravitaillement en hydrogène. Si nous voulons respecter l'accord de Paris, nous devons agir vite. C'est à ce niveau que l'Europe doit faire mieux. »
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Depuis plus de 50 ans, Air Liquide a développé une expertise approfondie sur l'ensemble de la chaîne de valeur de l'hydrogène : de la production à la distribution, en passant par le stockage. Cela nous permet de fournir des équipements de pointe et une assistance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour garantir un approvisionnement constant en hydrogène bas carbone. Cette expertise est cruciale, mais insuffisante : face aux défis environnementaux, Air Liquide avance main dans la main, de manière pragmatique et durable, avec de nombreux acteurs majeurs de la mobilité, tels que Toyota, pour mutualiser les efforts et créer des synergies favorisant l’avènement d’une société hydrogène. Contactez-nous si vous désirez davantage d'informations, nous serons très heureux d'en discuter pour vous aider à trouver des solutions d'approvisionnement et de transport d'hydrogène bas carbone adaptées à vos besoins.